Un premier pas vers l'alliance anglaise

La politique des alliances prépare la sécurité collective

Reste l'Italie. Ici, la politique de la France et celle de l'Angleterre, sans se contrarier, ne sont peut-être pas les mêmes. Comme le remarquait récemment l'éditorialiste de la « National Zeitung », de Bâle, « la France, hostile au fascisme, n'éprouve pas d'inimitié à l'égard du peuple italien, et c'est pourquoi aujourd'hui, elle semble incline à oublier l'attaque de 1940 et à se contenter de l'abolition des privilèges italiens en Tunisie et peut-être d'une toute petite correction de frontière dans la vallée d'Aoste ». Le récent échange de message entre M. de Gaspari, ministre italien des Affaires étrangères, et M. Georges Bidault, a illustré cette bonne volonté.

Le peuple italien tente un effort de relèvement qui ressemble au nôtre et des tendances qui nous sont particulièrement chères sont présentes au pouvoir. Surtout, nous ne pouvons pas ne pas avoir pitié de ce peuple qui, plus qu'aucun autre, a souffert d'une guerre où ses dirigeants l'ont entraîné sans qu'il y ait donné une adhésion profonde. Qui peut aujourd'hui songer à l'Italie sans évoquer le vers de Dante « Serva Italia, albergo di dolore ! ». La « National Zeitung » de Bâle poursuivait :« A l'Angleterre, en revanche, la participation de l'Italie à la guerre a causé de bien plus grosses difficultés et on y tend plutôt à considérer l'Italie comme un adversaire vaincu. D'autre part, un roi, un Badoglio, qui ont signé un traité de paix favorable à l'Angleterre, sont plus agréables aux Anglais qu'un gouvernement anti-fasciste de gauche qui, du fait de ses liens étroits avec les masses populaires, devrait ménager, dans une plus grande mesure, la susceptibilité nationale de ces derniers ».

Peut-être M. Georges Bidault fut-il amené à se faire, à Londres, l'avocat de l'Italie. Il aurait renoué une tradition chevaleresque que l'école maurrassienne a trop tenté de nous faire oublier. Il aurait servi en même temps les intérêts de la France. L'Italie se trouve comme au milieu de notre empire, dont il faut placer le point d'équilibre dans la Méditerranée occidentale. Nous avons intérêt à ce que cette Italie, qui se trouve comme insérée dans le point du monde qui nous est le plus nettement vital, soit une Italie stable politiquement et amie de la France.

La question de Syrie

La question de Syrie a-t-elle trouvé aussi sa place dans les entretiens de Londres ? Nous n'en parlerons pas aujourd'hui. Remarquons que l'Angleterre ne peut pas ne pas comprendre notre position qui ressemble tellement à la sienne propre en Égypte.

Reste enfin la question d'Allemagne. Sans doute sera-t-elle le ciment de l'alliance franco-britannique et ces conversations préliminaires ont porté plutôt sur l'adaptation de plans parallèles que sur des questions de principe. L'Angleterre a compris – a durement compris – que la frontière stratégique de la France est au-delà du Rhin.

Ainsi, pendant que l'Allemagne, dans un dernier sursaut de bête traquée, bande ses dernières forces, le monde élabore la paix. « Tout ce qui est faible doit tomber ou disparaître », ose encore affirmer Hitler en son discours du vingt-cinquième anniversaire du parti nazi, sans songer que ce qui est faible et  disparaît aujourd'hui, c'est l'Allemagne.